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Cependant, pour avoir été celui qui avait découvert Alendi, je suis devenu quelqu’un d’important. Plus particulièrement au sein des Avènementistes.

 

Description : 054

 

Vin était étendue à plat ventre, la tête reposant sur ses bras croisés tandis qu’elle étudiait une feuille de papier à terre devant elle. Compte tenu du chaos de ces derniers jours, elle s’étonnait elle-même de trouver du soulagement dans la reprise de ses recherches.

Mais un soulagement relatif, car ses lectures posaient d’autres problèmes. L’Insondable est de retour, se dit-elle. Même si les brumes ne tuent pas souvent, elles sont redevenues hostiles. Ce qui signifie que le Héros des Siècles doit revenir, non ?

Pensait-elle sincèrement qu’il puisse s’agir d’elle ? L’idée lui paraissait ridicule quand elle y réfléchissait. Pourtant, elle entendait les pulsations dans sa tête, voyait les esprits dans les brumes…

Et que dire de cette nuit où elle avait affronté le Seigneur Maître, plus d’un an auparavant ? Cette nuit où elle avait, sans comprendre comment, attiré les brumes en elle pour les brûler comme des métaux ?

Ce n’est pas suffisant, songea-t-elle. Un événement exceptionnel – que je n’ai jamais réussi à reproduire – ne fait pas de moi une sauveuse mythologique. Elle ne connaissait même pas vraiment la plupart des prophéties concernant le Héros. Le journal mentionnait qu’il était censé être d’origine humble – mais ça s’appliquait à presque tous les skaa de l’Empire Ultime. Il était censé avoir une ascendance royale cachée, mais ça faisait de tous les bâtards de la ville des candidats. En fait, elle aurait parié que la plupart des skaa possédaient un ou deux ancêtres nobles.

Elle soupira en secouant la tête.

— Maîtresse ? appela OreSeur en se retournant.

Il était dressé sur une chaise, les pattes avant reposant contre la vitre tandis qu’il observait la ville.

— Toutes ces prophéties, ces légendes, ces prédictions, soupira Vin en abattant la main sur sa page de notes. À quoi ça sert ? Pourquoi est-ce que les Terrisiens croyaient à ces choses-là ? Est-ce qu’une religion ne devrait pas enseigner des choses concrètes ?

OreSeur s’installa sur la chaise, assis sur son arrière-train.

— Qu’y aurait-il de plus concret que de connaître l’avenir ?

— Si tout ça nous apprenait vraiment quelque chose d’utile, je serais d’accord. Mais même le journal s’accorde à dire que les prophéties terrisiennes pouvaient être comprises de différentes façons. À quoi servent des promesses qu’on peut interpréter aussi librement ?

— Ne rejetez pas les croyances des autres simplement parce que vous ne les comprenez pas, Maîtresse.

Vin ricana.

— On croirait entendre Sazed. Une partie de moi a envie de penser que toutes ces légendes et ces prophéties ont été créées par des prêtres qui cherchaient à gagner leur vie.

— Une partie seulement ? demanda OreSeur, l’air amusé.

Vin hésita, puis hocha la tête.

— La partie qui a grandi dans les rues, celle qui voit des escroqueries partout.

Cette partie-là ne voulait pas admettre les autres sentiments qu’elle éprouvait.

Les pulsations gagnaient en puissance.

— Les prophéties ne doivent pas nécessairement être des escroqueries, Maîtresse, fit remarquer OreSeur. Ni même, en réalité, une promesse d’avenir. Elles peuvent être simplement l’expression d’un espoir.

— Qu’est-ce que vous savez de ces choses-là ? demanda-t-elle sur un ton dédaigneux avant de ranger sa page.

Il y eut un silence.

— Rien, bien entendu, Maîtresse, répondit enfin OreSeur.

Vin se tourna vers le chien.

— Je suis désolée, OreSeur. Je ne voulais pas dire… Enfin je suis juste un peu distraite en ce moment.

Boum. Boum. Boum.

— Vous n’avez pas à vous excuser, Maîtresse, répondit OreSeur. Je ne suis qu’un kandra.

— Mais vous êtes une personne, dit Vin. Même si vous avez une haleine de chien.

OreSeur sourit.

— C’est vous qui avez choisi ces os pour moi, Maîtresse. Vous devez en accepter les conséquences.

— Les os y sont peut-être pour quelque chose, dit-elle en se levant. Mais le fait de vous nourrir de charogne ne doit pas arranger les choses. Franchement, il va falloir qu’on vous procure des feuilles de menthe à mâcher.

OreSeur haussa un sourcil canin.

— Et vous ne croyez pas qu’un chien à l’haleine suave attirerait l’attention ?

— Seulement celle des personnes qui vous embrasseraient dans un futur proche, répondit Vin en reposant ses piles de papiers sur le bureau.

OreSeur gloussa doucement à sa manière canine, puis se retourna pour reprendre sa contemplation de la ville.

— La procession est terminée ? demanda Vin.

— Oui, Maîtresse. J’y vois difficilement, même depuis un point de vue élevé. Mais il semblerait bien que lord Cett ait fini de s’installer. Il n’a pas lésiné sur le nombre de charrettes qu’il a emmenées.

— C’est le père d’Allrianne, répondit Vin. Malgré toutes les plaintes de cette fille concernant le logement dans l’armée, je parierais que Cett aime voyager dans le confort.

OreSeur hocha la tête. Vin se retourna et s’appuya contre le bureau pour le regarder, se rappelant ce qu’il avait dit un peu plus tôt. L’expression d’un espoir…

— Les kandra ont une religion, n’est-ce pas ? devina-t-elle.

OreSeur se retourna vivement. C’était une confirmation bien suffisante.

— Les Gardiens sont au courant ? interrogea Vin.

OreSeur se dressa sur son arrière-train et reposa les pattes avant sur l’appui de fenêtre.

— Je n’aurais pas dû parler.

— N’ayez pas peur. Je ne vais pas trahir votre secret. Mais je ne comprends pas pourquoi ça doit rester secret.

— C’est une affaire de kandra, Maîtresse, répondit OreSeur. Ça n’aurait d’intérêt pour personne d’autre.

— Bien sûr que si. Vous ne comprenez pas, OreSeur ? Les Gardiens croient que la dernière religion indépendante a été détruite par le Seigneur Maître il y a des siècles. Si les kandra ont réussi à en conserver une, ça suggère que le contrôle théologique de l’Empire Ultime par le Seigneur Maître n’était pas absolu. Ça doit bien signifier quelque chose.

OreSeur hésita, tête penchée, comme s’il n’y avait pas réfléchi.

Son contrôle théologique n’était pas absolu ? songea Vin, un peu surprise par ses propres paroles. Seigneur Maître – je commence à parler comme Elend et Sazed. J’ai passé trop de temps à étudier récemment.

— Quoi qu’il en soit, Maîtresse, reprit OreSeur, je préférerais que vous évitiez d’en parler à vos amis Gardiens. Ils se mettraient sans doute à poser des questions gênantes.

— Ils sont comme ça, approuva Vin en hochant la tête. Enfin bref, sur quoi votre peuple a-t-il des prophéties ?

— Je crois que vous n’aimeriez pas le savoir, Maîtresse.

Vin sourit.

— Ils parlent de nous renverser, c’est bien ça ?

OreSeur se rassit et elle vit presque rougir son visage canin.

— Mon… peuple subit le Contrat depuis longtemps, Maîtresse. Je sais qu’il vous est difficile de comprendre pourquoi nous acceptons ce fardeau, mais nous le trouvons nécessaire. Cependant, nous rêvons d’un jour où il ne le sera plus.

— Quand tous les humains vous seront soumis ? demanda Vin.

OreSeur détourna le regard.

— Quand ils seront tous morts, en fait.

— Waouh.

— Les prophéties ne sont pas littérales, Maîtresse, ajouta OreSeur. Ce sont des métaphores – des expressions d’espoir. Ou du moins, je les ai toujours vues ainsi. Peut-être en va-t-il de même avec vos prophéties terrisiennes ? L’expression de la croyance selon laquelle, si votre peuple était en danger, ses dieux enverraient un Héros pour le protéger ? Dans ce cas, l’imprécision serait volontaire – et rationnelle. Les prophéties n’ont jamais été censées désigner quelqu’un en particulier, mais exprimer plutôt un sentiment général. Un espoir général.

Si les prophéties n’étaient pas spécifiques, pourquoi elle seule percevait-elle ces cadences pareilles à celle d’un tambour ?

Arrête, se dit-elle. Tu tires des conclusions hâtives.

— La mort de tous les humains, reprit-elle. Et comment est-ce qu’on se retrouve éliminés ? Les kandra nous tuent ?

— Bien sûr que non, répondit OreSeur. Nous honorons notre Contrat, même dans la religion. Les récits affirment que vous allez vous éliminer vous-mêmes. Vous êtes des créatures de Ravage, là où les kandra sont de Sauvegarde. En réalité, vous êtes… censés détruire le monde, je crois. En vous servant des koloss comme pions.

— Vous avez l’air désolé pour eux, observa Vin, amusée.

— En fait, les kandra ont tendance à tenir les koloss en haute estime, expliqua OreSeur. Il existe un lien entre nous ; comme nous, ils comprennent la nature d’esclave, comme nous, ils sont étrangers à la culture de l’Empire Ultime, comme nous, ils…

OreSeur s’interrompit.

— Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit Vin.

— M’autorisez-vous à ne pas poursuivre ? demanda-t-il. J’en ai déjà trop dit. Vous m’avez pris par surprise, Maîtresse.

Vin haussa les épaules.

— On a tous besoin de secrets. (Elle jeta un coup d’œil en direction de la porte.) Mais il y en a un que je dois toujours percer à jour.

OreSeur bondit au bas de la chaise et la rejoignit tandis qu’elle franchissait la porte d’un pas vif.

Il y avait toujours un espion dans le palais. Elle avait été contrainte d’ignorer ce fait durant bien trop longtemps.

 

Elend regarda au plus profond du puits. La cavité obscure – élargie pour accueillir les allées et venues de nombreux skaa – évoquait une large gueule tournée vers le haut, dont les lèvres de pierre s’ouvraient pour se préparer à l’engloutir. Elend jeta un coup d’œil sur le côté, où Ham s’entretenait avec un groupe de guérisseurs.

— Nous avons commencé à y prêter attention quand de nombreuses personnes sont venues nous voir en se plaignant de diarrhées et de douleurs abdominales, dit le guérisseur. Les symptômes étaient d’une intensité inhabituelle, milord. Nous avons… déjà perdu plusieurs personnes à cause de ce mal.

Ham regarda Elend, songeur.

— Toutes les personnes tombées malades vivaient dans cette zone, poursuivit le guérisseur. Et tiraient leur eau de ce puits ou d’un autre sur la place voisine.

— Avez-vous signalé ce problème à lord Penrod de l’Assemblée ? demanda Elend.

— Hum, non, milord. Nous nous sommes dit que vous…

Je ne suis plus roi, songea Elend. Mais il n’arrivait pas à dire ces mots. Pas à cet homme qui cherchait de l’aide.

— Je vais m’en occuper, répondit-il en soupirant. Vous pouvez retourner à vos patients.

— Ils remplissent notre clinique, milord.

— Dans ce cas, affectez l’un des manoirs vides de l’aristocratie, proposa Elend. Il y en a beaucoup. Ham, envoyez avec lui quelques-uns de mes gardes pour l’aider à déplacer les malades et à préparer le bâtiment.

Ham hocha la tête et fit signe à un soldat de rassembler une vingtaine d’hommes de service du palais pour qu’ils aillent à la rencontre du guérisseur. Ce dernier sourit, l’air soulagé, et s’inclina devant Elend en partant.

Ham vint rejoindre Elend près du puits.

— Coïncidence ?

— Je ne crois pas, répondit Elend en agrippant le rebord avec des doigts frustrés. La question est de savoir qui l’a empoisonné…

— Cett vient d’arriver en ville, suggéra Ham en se frottant le menton. Il n’aurait pas eu de mal à envoyer des soldats y verser du poison à la dérobée.

— Ça ressemble plutôt au genre de chose que ferait mon père, répondit Elend. Une manœuvre destinée à accroître notre tension, à nous faire payer pour l’avoir mené en bateau dans son propre camp. Sans compter qu’il a ce Fils-des-brumes qui aurait pu facilement verser ce poison.

Mais, bien sûr, Cett avait subi le même sort – Brise ayant empoisonné sa réserve d’eau avant qu’il atteigne la ville. Elend serra les dents. Il était réellement impossible de savoir auquel des deux attribuer la manœuvre.

Quoi qu’il en soit, les puits empoisonnés allaient poser problème. Il y en avait d’autres en ville, bien sûr, mais ils étaient tout aussi vulnérables. Les gens allaient peut-être devoir commencer à compter sur le fleuve pour se procurer de l’eau, et il était bien moins sain, avec ses eaux boueuses et polluées par les déchets des camps de l’armée comme de la ville elle-même.

— Postez des gardes autour de ces murs, demanda Elend en agitant la main. Condamnez-les, affichez des avertissements, puis dites aux guérisseurs de guetter très attentivement d’autres incidents.

Nous sommes soumis à une pression qui s’accentue sans cesse, songea-t-il tandis que Ham hochait la tête. À ce rythme, nous allons céder bien avant la fin de l’hiver.

 

Après un détour pour un dîner tardif – où des discussions concernant des serviteurs malades l’inquiétèrent quelque peu –, Vin alla à la rencontre d’Elend, qui revenait à l’instant d’une excursion en ville avec Ham. Après quoi Vin et OreSeur reprirent leur quête initiale : localiser Dockson.

Ils le trouvèrent dans la bibliothèque du palais. La pièce avait été autrefois le bureau personnel de Straff ; le nouveau rôle attribué à cette pièce semblait beaucoup amuser Elend, sans qu’elle comprenne pourquoi.

À titre personnel, Vin ne trouvait pas l’emplacement de la bibliothèque aussi amusant que son contenu. Ou plutôt absence de contenu. Bien que la pièce soit remplie d’étagères, presque toutes paraissaient avoir été pillées par Elend. Les rangées de livres étaient grêlées d’emplacements vides anciennement occupés par leurs compagnons disparus un par un, comme si Elend était un prédateur qui éliminait peu à peu un troupeau.

Vin sourit. Il ne s’écoulerait sans doute guère de temps avant qu’Elend ait volé tous les livres de la petite bibliothèque, emportant les volumes dans son bureau avant de les placer distraitement dans l’une de ses piles – manifestement destinés à être rendus. Malgré tout, il restait un grand nombre d’ouvrages – livres de comptes et carnets de finance, sujets qu’Elend trouvait généralement de peu d’intérêt.

Dockson était à présent assis au bureau de la bibliothèque, en train d’écrire dans un livre de comptes. Il remarqua son arrivée et la regarda en souriant, mais se repencha ensuite sur ses notes – visiblement dans un souci de ne pas perdre le fil de son travail. Vin attendit qu’il termine, OreSeur à ses côtés.

De tous les membres de la bande, Dockson paraissait être celui qui avait changé le plus lors de l’année écoulée. Elle se rappela la première impression qu’il lui avait faite, au repaire de Camon. Dockson avait été le bras droit de Kelsier, et le plus « réaliste » du duo. Et pourtant, il avait toujours possédé un certain degré d’humour – donnant l’impression qu’il prenait plaisir à jouer ce rôle de l’homme conventionnel. Il ne servait pas tant de faire-valoir à Kelsier qu’il le complétait.

Kelsier était mort. Que restait-il à Dockson ? Il était vêtu d’un costume d’aristocrate, comme toujours – et de tous les membres de la bande, c’était lui qui paraissait le porter le mieux. S’il rasait sa courte barbe, il pourrait passer pour un noble – pas un riche courtisan, mais un lord entrant dans l’âge moyen qui avait passé toute sa vie à commercer sous les ordres d’un maître d’une grande maison.

Il écrivait dans ses livres de comptes, mais il l’avait toujours fait. Il jouait constamment le rôle de l’homme le plus responsable de la bande. Alors, qu’est-ce qui avait changé ? Il restait la même personne, il faisait les mêmes choses. Simplement, il paraissait différent. Son rire avait disparu ; sa manière tranquille d’apprécier l’excentricité de son entourage. Sans Kelsier, Dockson avait cessé d’être modéré pour devenir… ennuyeux.

Et c’était ce qui la rendait méfiante.

Il faut que ce soit fait, se dit-elle en souriant à Dockson tandis qu’il posait sa plume et lui faisait signe de s’asseoir.

Vin s’assit et OreSeur vint à pas de loup se placer près de sa chaise. Dockson regarda le chien en secouant légèrement la tête.

— C’est une bête remarquablement bien dressée, Vin, dit-il. Je ne crois pas en avoir déjà vu de semblable…

Est-ce qu’il est au courant ? se demanda Vin, alarmée. Est-ce qu’un kandra serait capable d’en reconnaître un autre dans le corps d’un chien ? Non, c’était impossible. Autrement, OreSeur pourrait trouver l’imposteur pour elle. Elle se contenta donc de sourire en tapotant la tête d’OreSeur.

— Il y a un entraîneur au marché. Il apprend aux chiens-loups à jouer les protecteurs – à rester avec de jeunes enfants et à les protéger de tout danger.

Dockson hocha la tête.

— Alors, est-ce que cette visite a un but ?

Vin haussa les épaules.

— On ne discute plus jamais, Dox.

Dockson se laissa aller contre le dossier de sa chaise.

— Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour ça. Je dois préparer la transmission des finances du royaume à quelqu’un d’autre, au cas où le vote se retournerait contre Elend.

Est-ce qu’un kandra serait capable de tenir des comptes ? se demanda Vin. Oui. Ils devaient savoir – il aurait été préparé.

— Je suis désolée, dit-elle. Je ne voulais pas te déranger, mais Elend est tellement occupé en ce moment, et Sazed a son projet…

— Aucun problème, répondit Dockson. Je peux prendre quelques minutes. Qu’est-ce qui te tracasse ?

— Tu te rappelles cette conversation qu’on avait eue avant la Chute ?

Dockson fronça les sourcils.

— Laquelle ?

— Tu sais… sur l’enfance.

— Ah oui, répondit Dockson en hochant la tête. Et donc ?

— Est-ce que tu es toujours du même avis ?

Dockson hésita, songeur, tambourinant lentement des doigts sur le bureau. Vin attendit, s’efforçant de ne pas trahir la tension qui l’habitait. La conversation en question avait eu lieu entre eux deux et Dockson lui avait dit, pour la première fois, à quel point il détestait les nobles.

— Je crois que non, répondit-il. Plus maintenant. Kell disait toujours que tu accordais trop de mérites aux nobles, Vin. Mais même lui, tu avais commencé à le faire changer vers la fin. Non, je ne crois pas que la société des nobles doive être entièrement détruite. Tous ne sont pas les monstres que nous pensions autrefois.

Vin se détendit. Non seulement il se rappelait la conversation, mais aussi les détails des digressions dans lesquelles ils étaient partis. Elle était alors seule avec lui. Ce qui devait signifier qu’il n’était pas le kandra, n’est-ce pas ?

— C’est d’Elend qu’il s’agit, c’est ça ? demanda Dockson.

Vin haussa les épaules.

— Sans doute.

— Je sais que tu voudrais qu’on s’entende mieux, lui et moi. Mais tout bien réfléchi, je crois qu’on ne s’en sort pas trop mal. C’est un honnête homme ; je suis capable de le reconnaître. Il a quelques défauts en tant que dirigeant : il manque de témérité, de présence.

À l’inverse de Kelsier.

— Cela dit, poursuivit Dockson, je ne veux pas le voir perdre son trône. Il a traité les skaa très équitablement, pour un noble.

— C’est quelqu’un de bien, Dox, dit calmement Vin.

Dockson détourna le regard.

— Je sais. Mais… chaque fois que je lui parle, je vois Kelsier qui me regarde par-dessus son épaule en secouant la tête. Tu sais depuis combien de temps on rêvait de renverser le Seigneur Maître, Kell et moi ? Les autres membres de la bande croyaient que le plan de Kelsier était une passion toute nouvelle pour lui – que ça lui était venu aux Fosses. Mais ça remontait à plus loin, Vin. Beaucoup plus loin.

» On avait toujours détesté les nobles, Kell et moi. Quand on était jeunes et qu’on préparait nos premières missions, on voulait devenir riches – mais aussi leur faire du mal. Parce qu’ils nous avaient pris des choses qu’ils n’avaient pas le droit de prendre. Mon amante… la mère de Kelsier… Chaque pièce que nous avons volée, chaque noble dont nous avons laissé le cadavre dans une ruelle – c’était notre manière de leur faire la guerre. De les punir.

Vin gardait le silence. C’étaient ce genre d’histoires, les souvenirs d’un passé hanté, qui l’avaient toujours mise un peu mal à l’aise devant Kelsier – et la personne qu’il la formait à devenir. C’était ce ressenti qui la faisait hésiter, quand bien même son instinct lui soufflait qu’elle aurait dû aller se venger de Straff et de Cett à la pointe du couteau au cœur de la nuit.

Dockson possédait un peu de la même dureté. Kell et Dox n’étaient pas des hommes mauvais, mais il y avait en eux un désir de vengeance. L’oppression les avait changés d’une manière qu’aucune mesure de paix, d’assagissement ou de récompense ne pouvait réparer.

Dockson secoua la tête.

— Et nous avons placé l’un d’entre eux sur le trône. Je ne peux pas m’empêcher de penser que Kell m’en voudrait d’avoir laissé Elend gouverner, aussi bon soit-il.

— Kelsier avait changé vers la fin, répondit doucement Vin. Tu viens de le dire, Dox. Tu savais qu’il avait sauvé la vie d’Elend ?

Dockson se retourna, songeur.

— Quand ça ?

— Le dernier jour, précisa Vin. Pendant le combat contre l’Inquisiteur. Kell a protégé Elend qui était venu à ma recherche.

— Il a dû le prendre pour un des prisonniers.

Vin secoua la tête.

— Il connaissait Elend, et il savait que je l’aimais. Vers la fin, Kelsier était disposé à admettre que quelqu’un de bien méritait qu’on le protège, quels que soient ses parents.

— J’ai du mal à l’accepter, Vin.

— Pourquoi ?

Dockson croisa son regard.

— Parce que si j’accepte qu’Elend ne porte aucune culpabilité pour ce que ses semblables ont fait aux miens, je dois admettre que je suis un monstre pour ce que je leur ai fait.

Vin frissonna. Dans ses yeux, elle lut la vérité derrière la transformation de Dockson. Elle vit la mort de son rire. La culpabilité. Les meurtres.

Cet homme n’est pas un imposteur.

— Ce gouvernement ne me procure pas grand plaisir, Vin, conclut calmement Dockson. Parce que je sais ce que sa création nous a coûté. Mais en réalité, si c’était à refaire, je le referais. Je me dis que c’est parce que je crois à la liberté des skaa. Parfois pourtant, je reste éveillé la nuit avec la satisfaction de savoir ce que nous avons fait à nos anciens maîtres. La façon dont nous avons ébranlé leur société et tué leur dieu. Maintenant, ils savent.

Vin acquiesça. Dockson baissa les yeux, comme s’il éprouvait de la honte, une émotion qu’elle avait rarement vue chez lui. Il ne semblait rien y avoir d’autre à dire. Dockson était assis en silence lorsqu’elle se retira, sa plume et son livre abandonnés sur le bureau.

 

— Ce n’est pas lui, déclara Vin en descendant un couloir vide du palais, s’efforçant de chasser de son esprit la voix obsédante de Dockson.

— Vous en êtes certaine, Maîtresse ? demanda OreSeur.

Vin hocha la tête.

— Il était au courant d’une conversation privée que j’avais eue avec Dockson avant la Chute.

OreSeur garda un moment le silence.

— Maîtresse, dit-il enfin, mes frères sont capables de se montrer extrêmement minutieux.

— D’accord, mais comment est-ce qu’il pourrait être au courant ?

— Nous menons souvent des entretiens avec les gens avant de manger leurs os, Maîtresse, expliqua OreSeur. Nous les rencontrons plusieurs fois, dans différents cadres, et nous trouvons des moyens de parler de leur vie. Nous parlons également à leurs connaissances et amis. Avez-vous jamais répété à quiconque cette conversation avec Dockson ?

Vin s’arrêta pour s’appuyer contre le mur de pierre du couloir.

— Peut-être à Elend, admit-elle. Je crois que j’en ai parlé aussi à Sazed, juste après. C’était il y a près de deux ans.

— Ça peut avoir suffi, Maîtresse. Nous ne pouvons tout apprendre de quelqu’un, mais nous nous efforçons de découvrir ce genre de détails – conversations privées, secrets, informations confidentielles – afin de pouvoir les mentionner aux moments adéquats et renforcer ainsi notre illusion.

Vin fronça les sourcils.

— Il y a aussi… autre chose, Maîtresse, poursuivit OreSeur. J’hésite car je ne souhaite pas que vous imaginiez vos amis souffrir. Toutefois, il est fréquent que notre maître – celui qui se charge de la mise à mort effective – torture sa victime pour lui soutirer des informations.

Vin ferma les yeux. Dockson paraissait si réel… sa culpabilité, ses réactions… c’était impossible à feindre, n’est-ce pas ?

— Bon sang, murmura-t-elle en ouvrant les yeux.

Elle se retourna en soupirant et ouvrit les volets d’une fenêtre du couloir. Il faisait noir dehors et les brumes se recourbaient devant elle tandis qu’elle s’appuyait au rebord de la fenêtre de pierre pour regarder la cour, deux étages plus bas.

— Dox n’est pas allomancien, dit-elle. Comment est-ce que je peux m’assurer sans doute possible qu’il n’est pas l’imposteur ?

— Je l’ignore, Maîtresse, répondit OreSeur. Ce n’est jamais une tâche aisée.

Vin resta immobile, en silence. Distraitement, elle ôta sa boucle d’oreille de bronze – celle de sa mère – et la fit tourner entre ses doigts, la regardant refléter la lumière. Elle était autrefois recouverte d’une couche d’argent, mais il s’était presque entièrement effacé.

— Je déteste ça, murmura-t-elle enfin.

— Quoi donc, Maîtresse ?

— Cette… méfiance, répondit-elle. Je déteste me méfier de mes amis. Je croyais que j’avais fini de me méfier de tous ceux qui m’entourent. C’est comme si un couteau se retournait à l’intérieur de moi et qu’il me coupait plus profondément chaque fois que j’affronte un membre de la bande.

OreSeur s’assit sur son arrière-train près d’elle et pencha la tête.

— Mais enfin, Maîtresse. Vous avez réussi à éliminer plusieurs d’entre eux en vous assurant qu’ils n’étaient pas l’imposteur.

— Oui. Mais ça ne fait que réduire le champ des possibles – ça me rapproche seulement du moment où je saurai que l’un d’entre eux est mort.

— Et ce savoir n’est pas une bonne chose ?

Vin secoua la tête.

— Je ne veux pas que ce soit l’un d’entre eux, OreSeur. Je ne veux pas me méfier d’eux, je ne veux pas découvrir qu’on a raison…

Dans un premier temps, OreSeur ne répondit pas et la laissa regarder par la fenêtre tandis que les brumes se déversaient lentement sur le sol autour d’elle.

— Vous êtes sincère, déclara-t-il enfin.

Elle se retourna.

— Évidemment.

— Pardonnez-moi, Maîtresse, dit OreSeur. Je ne souhaite pas me montrer insultant. C’est simplement que… eh bien, j’ai été le kandra de multiples maîtres. Ils étaient si nombreux à détester tous ceux qui les entouraient et à s’en méfier constamment que je commençais à croire vos semblables dépourvus de toute capacité de confiance.

— C’est idiot, répondit Vin en se retournant vers la fenêtre.

— Je le sais bien. Mais les gens croient souvent des choses idiotes, si on leur en donne assez de preuves. Quoi qu’il en soit, je vous présente mes excuses. J’ignore lequel de vos amis est mort, mais je suis désolé que ce soit l’un de mes semblables qui vous ait apporté cette douleur.

— Qui que ça puisse être, il ne fait qu’obéir à son Contrat.

— Oui, Maîtresse, répondit OreSeur. Le Contrat.

Vin fronça les sourcils.

— Est-ce qu’il y a un moyen que vous puissiez découvrir quel kandra a un Contrat à Luthadel ?

— Je suis désolé, Maîtresse. C’est impossible.

— Je m’en doutais. Il y a des chances que vous le connaissiez, qui que ça puisse bien être ?

— Les kandra sont un groupe très soudé, Maîtresse, répondit OreSeur. Et nous sommes peu nombreux. Il est fort probable que je le connaisse très bien.

Vin tapota du doigt contre l’appui de fenêtre, fronçant les sourcils tandis qu’elle s’efforçait de décider si l’information lui était utile.

— Je reste persuadée que ce n’est pas Dockson, dit-elle enfin en remettant sa boucle d’oreille en place. On va l’ignorer pour l’instant. Si je ne trouve pas d’autre piste, on reviendra…

Elle s’interrompit, car quelque chose venait d’attirer son attention. Une silhouette qui marchait dans la cour, sans porter de lumière.

Ham, se dit-elle. Mais la démarche n’était pas la bonne.

Elle exerça une Poussée contre la protection de la lampe suspendue au mur un peu plus loin. Elle se referma brusquement et la lampe trembla tandis que le couloir se retrouvait plongé dans le noir.

— Maîtresse ? appela OreSeur tandis que Vin montait sur l’appui de fenêtre et attisait son étain pour mieux y voir dans la nuit.

Effectivement, ce n’est pas Ham, se dit-elle.

Elle pensa aussitôt à Elend – envahie de la soudaine terreur que des assassins soient venus pendant qu’elle parlait à Dockson. Mais la nuit était encore jeune, et Elend devait toujours être en train de s’entretenir avec ses conseillers. C’était une heure peu probable pour un assassinat.

Et un homme seul ? Pas Zane, à en juger par sa taille.

Sans doute juste un garde, songea Vin. Pourquoi faut-il que je sois aussi paranoïaque tout le temps ?

Et pourtant… tandis qu’elle regardait cette silhouette traverser la cour, ses réflexes prirent le dessus. Sa démarche avait quelque chose de suspect, comme s’il était mal à l’aise – comme s’il ne voulait pas être vu.

— Dans mes bras, dit-elle à OreSeur en jetant par la fenêtre une pièce enveloppée.

Il s’exécuta docilement et elle bondit par la fenêtre, tomba de huit mètres et atterrit grâce à la pièce. Elle relâcha OreSeur et désigna les brumes. Il la suivit de près tandis qu’elle s’enfonçait discrètement, voûtée dans les ténèbres, s’efforçant de regarder attentivement la silhouette isolée. L’homme marchait d’un pas vif, longeant le mur du palais qui accueillait les entrées des serviteurs. Lorsqu’il passa devant elle, elle distingua enfin son visage.

Le capitaine Demoux ?

Elle se rassit, tapie en compagnie d’OreSeur près d’un petit tas de caisses de ravitaillement. Que savait-elle réellement de Demoux ? C’était l’un des rebelles skaa recrutés par Kelsier près de deux ans auparavant. Il avait pris goût au commandement et s’était rapidement vu promu. C’était l’un des soldats fidèles restés en arrière quand le gros de l’armée avait suivi Yeden et trouvé la mort.

Après la Chute, il était resté auprès de la bande et avait fini par devenir le second de Ham. Il avait reçu une formation non négligeable de la part de Ham lui-même – ce qui expliquait peut-être pourquoi il sortait de nuit sans torche ni lanterne. Mais malgré tout…

Si je devais remplacer quelqu’un dans la bande, pensa Vin, je ne choisirais pas un allomancien – ça rendrait l’imposteur trop facile à repérer. Je choisirais quelqu’un d’ordinaire, qui n’aurait pas à prendre de décisions ou à attirer l’attention.

Quelqu’un qui soit proche de la bande, sans en faire nécessairement partie. Quelqu’un qui soit toujours à proximité des réunions importantes, mais que les autres ne connaissent en réalité pas si bien…

Elle sentit un petit frisson la parcourir. Si l’imposteur était Demoux, ça signifiait qu’aucun de ses amis proches n’avait été tué. Et que le maître du kandra était encore plus intelligent qu’elle ne l’avait supposé.

Il contourna le bastion, et elle le suivit en silence. Toutefois, quoi qu’il ait pu bien faire cette nuit-là, il avait déjà terminé – car il franchit l’une des entrées du bâtiment et salua les gardes qui s’y trouvaient postés.

Vin se rassit parmi les ombres. Il avait parlé aux gardes, donc il ne s’était pas faufilé hors du palais. Et pourtant… elle reconnaissait cette posture voûtée, ces mouvements saccadés. Quelque chose le rendait nerveux.

C’est lui, se dit-elle. L’espion.

Mais que pouvait-elle y faire à présent ?

Le puits de l'ascension
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